CHATTAM Maxime
par ana
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MAXIME CHATTAM
Qu’y a-t-il de commun entre un tueur fou qui marque ses victimes à l’acide après leur avoir tranché une main, une jeune femme scalpée courant à perdre haleine dans les rues obscures de New York et des corps retrouvés embaumés dans ce qui ressemble à une gigantesque toile d’araignée ?
Deux hommes : l’écrivain français Maxime Chattam et son héros Joshua Brolin.
J’ai découvert l’univers sombre et tranchant de Maxime Chattam par un hasard comme on ne peut en vivre qu’en littérature. A la recherche d’un bon roman policier à me mettre sous la dent, moi qui n’aimait pas trop ce genre et qui sortait tout juste du roman de James Ellroy « Le Dalhia Noir », dévoré bien malgré mes réticences et cela bien avant la sortie du film reprenant l’art du maître américain du polar, mes yeux sont tombés, au détour d’un rayon extrêmement fourni, sur la couverture de l’édition poche du second volet de ce que l’auteur lui-même a nommé « la trilogie du mal ».
Une couverture présentant une silhouette se débattant dans les flammes. Rien de bien exceptionnel peut-être mais à la lecture du mince résumé de couverture, j’ai accroché : « ». Aussitôt, acquis « In Tenebris », j’ai dévoré ce roman avec une avidité que je n’aurai imaginée de ma part pour le domaine du polar. Quelques allusions discrètes et placées avec minutie m’on fait comprendre que je lisais la seconde enquête de ce Josh Brolin énigmatique mais cela n’a pas gêné ma compréhension de l’intrigue. Pour autant, une fois celui-ci terminé, je me suis jetée sur le premier volume de cette trilogie « L’âme du mal » puis sur le troisième « Maléfices ».
Je ne vous en dirai pas plus dans cette fiche car d’autres viendront sur les œuvres de Maxime Chattam.
Concentrons-nous sur cet auteur français qui a fait le pari d’écrire des romans policiers à l’américaine.
De son vrai nom, Maxime Guy Sylvain Drouot est né le 19 février 1976 à Herblay, dans le Val d’Oise donc non loin de Paris. Dès son plus jeune âge, il est passionné par l’écriture et voyage déjà entre le continent américain et la France avec sa famille, notamment en Oregon et à Portland, lieu de deux de ses premiers romans. Son premier vœu est d’embrasser une carrière de comédien et comme il a une belle face de pet de jeune premier, il s’inscrit au cours Simon. Pourtant, il continue d’écrire dans son coin et s’essaie à la rédaction d’une pièce sur fond d’intrigue policière sur les conseils d’un autre comédien. Mais la pièce « Le Mal » ne sortira jamais de son encre. En revanche, elle sert à Maxime afin d’ébaucher ses travaux futurs. Dans le même temps, sentant qu’il aspira à autre chose, il abandonne le théâtre pour devenir libraire à la Fnac où son zèle et ses conseils avisés le font remarquer. De plus, sachant déjà sous quels angles il veut écrire du roman policier, il s’inscrit à des cours de criminologie à Paris XIII. Il acquiert ainsi de solides bases pour ancrer ses histoires et ses personnages dans une réalité prenante et abattre les codes du polar français. Son premier roman terminé, « L’âme du mal » est proposée aux quelques plus gros éditeurs du genre que Maxime connaît bien par son expérience de libraire. Le renouveau qu’il offre à travers son écriture pointue et ses intrigues à la sauce américaine lui offrent une opportunité très rare : un contrat de publication pour plusieurs romans. Maxime prend le pseudonyme de Chattam et profite de ce luxe pour négocier à la hausse ses droits d’auteur par rapport à ce qui est d’usage dans le milieu. C’est ainsi qu’il obtient à 26 ans seulement la chance de vivre de sa plume !
Depuis lors, les succès littéraires se multiplient. Sa recette ? Très éloignée des classiques français à la Simenon, sans pour autant copier les codes établis par des Higgings Clark et compagnie ou les vieilles recettes à l’anglaise. Non, non…
Un environnement américain (Portland, New York) dépeint avec justesse, sans fioriture ni exagération, des intrigues sombres qui évoluent en rythme, sans temps mort mais avec une place pour la réflexion du lecteur, des personnages attachants, humains, fébriles et fragiles, hantés par des démons, portés par des convictions, une certitude qui fait d’eux des héros de l’horreur. Car bien que les crimes imaginés par Maxime Chattam soient monstrueux, malsains à souhait, démonstrateurs d’une défaillance psychotique terrifiante, ils n’en sont pas moins crédibles, tout comme leurs auteurs imaginaires.
Avec un art acéré de la description qui appuie sur des détails, dissèque les scènes d’action, de réflexion, d’inspection des corps, des lieux et circonstances des meurtres, jusqu’aux autopsies, Maxime Chattam a su intégrer au polar français une touche de sophistication qui n’a rien d’ennuyeux ou de laborieux à lire, mais donne toute sa réalité à ses histoires.
En bref : vous l’aurez compris, je suis une grande admiratrice de cet écrivain qui m’a donné le goût du bon roman policier. Si vous avez aimé « Le silence des agneaux », vous aimerez l’univers de Maxime Chattam, vous plongerez en apnée pour suivre ses héros et ne reprendrez votre souffle qu’à la dernière page !
Premières lignes de "In tenebris" :
"Le klaxon du break hurla dans la nuit, faisant voler en éclats la quiétude de ce début de soirée. Glissant dans ce chaos, le crissement de pneus s'y superposa, plus irrespectueux encore, violent et strident.
Les phares creusaient dans l'obscurité un seul et profond sillon. Pourtant il n'y avait déjà plus aucune trace de l'ombre. Elle était passée très vite.
Quelques mètres plus loin, un autre véhicule fit une embardée terrible en crachant la puissante protestation de son avertisseur.
Elle furait, sourde à ce tumulte, elle n'entendait que les battements lourds de son coeur, le bouillonnement de son sang, elle était prise dans le fourreau de sa panique.
... Il est là! Il arrive ! Il est juste derrière moi ! Sa main va se tendre et ses doigts m'accrocher ! Il va m'avoir, je le sens, il est là !
Elle courait pour sa vie.
Sa silhouette fine, un soupçon de présence, presque un doute, bondissait sur l'asphalte des rues, exposant son corps nu aux lumières aveuglantes des voitures qui l'évitaient dans la confusion.
Un effroyable concert monta de l'orée du parc, se répercutant contre les murs des bâtiments voisins, tandis que, les unes après les autres, les voitures s'immobilisaient. Deux d'entre elles se percutèrent, ajoutant à la partition une improvisation de tôle froissée.
Il se rapproche ! Vite ! Vite ! Il va m'arrêter !
Elle ne sentait plus rien. Ni le souffle brûlant qui jaillissait de sa poitrine comme un geyser volcanique, ni les cruelles morsures du sol sur la peau rongée de ses pieds. Elle courait pour sa vie, et laissait derrière elle une empreinte sanglante à chaque foulée. Sans hésitation, sans même concevoir ce qu'elle faisait, elle se jeta dans un bosquet qu'elle traversa aussitôt pour surgir sur une autre route, devant un camion de livraison.
Le caoutchouc des roues fut dévoré en un instant dans le coup de frein, laissant sur la rue une longue tache sombre. Ce fut insuffisant, le chauffeur braqua, dans la tension qui le maintenait debout sur la pédale. Les douze tonnes décollèrent sur le terre plein pour venir percuter une camionnette à l'arrêt avant d'arracher un réverbère et de finir leur course sur le trottoir.
Cours ! Cours ! Il vient ! Sa main est là, dans ton dos, prête à te saisir ! Cours !
Elle sentait déjà le souffle délétère de la mort lui caresser l'épaule, descendre entre ses seins et frapper. Frapper sans répit.
Au loin, deux passants assistèrent à la scène qui ne dura pas plus de trente secondes, le temps pour une femme nue de traverser en zigzagant à toute vitesse une succession d'avenues et de s'enfoncer dans les ténèbres du parc. L'hystérie lui mangeait le visage, l'homme en était convaincu, mais il dut regarder sa femme pour s'assurer qu'il n'avait pas fait un cauchemar éveillé. Celle-ci était bouche bée, sous le choc. Elle avait aperçu la vaste croûte vermillon qui couvrait le crâne de la démente.
La ville disparut derrière la silhouette, engloutie par le mystère des branches épaisses, avalée par l'implacable routine de la nature, même les lumières synthétiques de la civilisation ne survécurent pas.
Elle courait toujours, la sueur de la peur se mélangeant à celle de l'effort, et les gouttes glissaient par dizaines, malgré le froid. Elle monta un sentier couvert de petites branches mortes puis elle voulut bifurquer sur la route.
Vite ! cria t-elle, désespérée, à bout de force.
Son corps se souleva, compressé dans un spasme soudain, la chair de poule ondula sur toute la surface de sa peau quand ses membres se mirent à trembler.
Les vertiges qui ne l'avaient pas quittée depuis qu'elle fuyait s'amplifièrent jusqu'à déborder du cadre de la raison, la vague de terreur qui s'ensuivit acheva de lui faire perdre conscience. Ses jambes s'emmêlèrent avant qu'elle passe par-dessus la minuscule bordure et dévale la pente entre les arbres.
Son corps s'immobilisa dix mètres plus bas, dans un champ de roseaux.
Les bras serrés sur le torse, les cuisses repliées contre le corps, elle gisait comme une madone oubliée, sous le regard imperturbable de la lune dont le reflet glissait sur la surface d'un grand lac.
Elle respirait encore."
Voici une très mince idée du talent de Maxime Chattam.
Bibliographie :
2002 : L'âme du mal
2003 : In ténébris, Le 5e règne
2004 : Maléfices
2005 : Le sang du temps
2006 : Les arcanes du chaos
2007 : Prédateurs
2008 : La théorie Gaia
2009 : La promesse des ténèbres
Autre série à tendance fantastique (7 tomes prévus) : Autre Monde
1 _ L'alliance des trois
2_ Malronce
3_ Le coeur de la Terre
Site / blog de l'auteur pour les curieux !
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