Good Bye

Good Bye
par Ixidor

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Nombre de volume en France :
Nombre de volume au Japon :
Version animée :

  
  

idem 
Yoshihiro Tastumi
quotidien 
seinen 
1988 
Vertige Graphics


1 (série terminée) 
non 

 
 



Une fois n'est pas coutume, cette oeuvre n'est pas à placer entre toutes les mains, toutefois, pour une raison bien particulière dans ce cas: ce one-shot est ce que l'on nomme un gekiga, ou gegika (je ne donne pas le lien par fainéantise, mais afin de donner une définition du genre la plus concise possible). Si le genre 'seinen' est évoqué, c'est seulement pour illustrer la maturité de son contenu, qui s'il peut être abordé dès 16 ans a l'audace de mettre en exergue un monstre sans égal par sa terrifiante cruauté:
la vie au sein de la société nippone.


Ce one-shot présente dans la société japonaise d'après-guerre un personnage en particulier: Mika, prostituée qui voit la fin d'un 'âge d'or' (ou tout du moins s'efforce-t-on de le croire en ce temps, alors que le souffle brûlant de la bombe à hydrogène irrite encore la gorge des 'petites gens' japonaises) pour sa profession, disparaissant avec ces avatars à la veste arborant fièrement le sigle des corps d'armée américains, et laissant cette catin se noyer dans la pauvreté, et retourner à ce désespoir à peine masqué par les essences de stupre mais complètement couvert aux yeux du monde par le visage de ce nouveau Japon, lointain car lui-même aveugle à la détresse de ses sédiments muets et invisibles.



Peut-être ai-je pu sembler adopter un ton larmoyant, je m'en excuse, car ce n'est pas là la visée de ce manga. Celui-ci est un gekiga: pas de fioritures, on ne veut pas faire plaindre, ou faire peur, on ne veut qu'une seule chose: confronter à une réalité, faire esquisser un sourire ou laisser un frisson parcourir l'échine en s'ouvrant à une vérité, aussi glaciale soit-elle pour l'égo, la morale ou l'éthique. La vulgarité est là: c'est celle de la réalité sociale, ni plus, ni moins. Comme vous l'aurez compris, Good bye traite du départ des troupes américaines du Japon à l'aube des années 50, de tout ce qu'ils ont pu apporter, en bien comme en mal, et de ce que leur départ à entraîné économiquement, et dans les moeurs, pour les japonais des basses classes dans un pays en mutation (je vous rappellerais qu'économiquement le Japon a prospéré des années 50 aux années 80, au détriment des valeurs humaines pour toute une caste, contrairement à ce que le reste du monde connaît). Ce gegika datant d'il y a plus de vingt ans, il n'enjoint plus qu'à la réflexion, sur ce qui du passé ressurgit sur l'avenir, mais, quelle réflexion! Pas de monstre, de gentil ou de méchant, de héros ou de traître: tous les protagonistes sont des humains, nations et valeurs infâmes et infamant, horribles et attachants. Du rôle des GIs dans la prospérité des bordels, de leur impact sur les moeurs, des conséquences de leur départ à tous les échelons de la vie sur l'archipel nippon, toutes ces notions complexes se nouent autour de Mika et ses comparses, et nous apparaît aussi simple que si on l'avait vécu... car c'est ce que l'on fait: on vit avec ces notions, car Mika vit avec, saisit ironie et humour d'une situation, autant que la morosité et le chagrin dont elle recèle, triviaux. Sur fond de lubricité, on observe ses fragments de simulacre de vie, toutefois le sexe ne se présente jamais de façon 'crue', il n'y a pas de vulgaire pour le vulgaire, le sexe est un symbole, pas un argument servi à toutes les sauces.



Graphiquement, c'est là que ce manga, comme tout gekiga, se présente comme un manwha: les graphismes sont très simples. Enfin... précisons: les personnages sont dessinés de façon très simple, si nombre d'environnements sont généreux en détails, les protagonistes principaux sont facilement reconnaissables, mais ils se mêlent surtout à des foules de personnages 'lambda', des êtres sans visage, qu'on assimile à leur tenue, mais dont les faciès vagues et fermés résument à la perfection leur mode de pensée, dansant entre joie d'un instant et amertume. Le noir et le blanc renforcent le sentiment de morosité à la lecture, toutefois si l'on lit autant dans les bulles qu'à l'extérieur, ce ne sont pas plus nos sentiments que notre esprit qui se gorge de l'atmosphère véhiculée par ce support: les composantes graphiques ne sont que des outils pour s'impliquer au mieux dans ce récit de vie, affichent avec simplicité ce que l'on doit saisir dans l'instantané, pour ne pas interrompre sa réflexion au profit de le lecture, ni l'inverse, mais pour que toutes deux se complètent, nous permettant de suivre le quotidien de Mika et de juger la situation dans l'instant, sans nous perdre dans des élucubrations détachant totalement de la lecture (je devrais en prendre de la graine).



Good bye est un gekiga, digne du genre, mais surtout digne de son auteur Yoshihiro Tatsumi, gekigaka initiateur du genre, ni plus ni moins, dont le talent demeurait le même à la fin des années 80. Mais comme vous l'aurez compris, les gekiga étant des 'récits de vie', en présenter un seul ne suffit pas, et si j'ai tenu à présenter cette nouvelle-ci de Mr Tatsumi, c'est pour mieux renvoyer aux autres gekiga existants, souvent sous forme de recueils. Ces derniers sont chers, bien souvent (ne comptez pas en avoir un pour moins de 20 euros pour un recueil, entre 6 et 10 euros pour un one-shot), mais leur valeur intellectuelle vaut au moins ça. Ci-dessous, d'autres gekiga de Tatsumi, si vous cherchez d'autres auteurs, référez vous au lien wikipedia donné plus haut, y sont mentionnés divers auteurs et leurs oeuvres.


Si 'Good bye' ne vous tente pas, tentez au moins de vous rabattre vers d'autres nouvelles (j'ai également beaucoup aimé Say Hello to Black Jack de Suyho Sato (qui a débuté en même temps que Tatsumi), qui a la suite de sa parution a poussé le gouvernement japonais à reconsidérer les salaires et répartitions des infirmiers sur le territoire japonais), je peux vous assurer que pour peu que vous souhaitiez réfléchir un tant soit peu, vous ne serez pas déçu des voyages au sein de la société japonaise et ses maux qu'ils vous prodigueront.



Bonnes lectures à tous, stay tuned to the real world.

 
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