TEZUKA Osamu

TEZUKA Osamu
par Anabel









  
 
 







 
 



TEZUKA OSAMU.

Surnommé le « Dieu du manga » par ses pairs, Tezuka Osamu (1928-1989) révolutionna la BD japonaise d’après guerre, lui donnant ses codes et ses premières lettres de noblesse. Dessinateur de génie, il participa à la création de bijoux de l’animation et oeuvra à la naissance de la production de masse du manga et de l’animation japonais.
C’est un fait établi pour les japonais qu’ils lisent autant de mangas parce qu’ils ont l’héritage du « Docteur Tezuka ».
Artiste précoce, Tezuka bouleversa l’univers de la BD par son style graphique original, l’ampleur de ses scénarios et une forme inédite de découpage de l’action copiant le cinéma US. Il expérimenta touts les registres, s’adressa à toutes les tranches d’âge, influença définitivement ses successeurs et quelques contemporains. Passionné depuis l’enfance par l’animation, il profita de son succès dans la BD pour réaliser son rêve en adaptant ses œuvres pour l’écran. La production de son studio est importante mais force est d’admettre que peu de ses créations se hisseront de son temps aux sommets occupés par le travail de Walt Disney ou des studios Tôei.

Né le 3 mars 1928 à Toyonaka dans la préfecture d’Osaka, il est le fils aîné de Yukata et Fumiko Tezuka. En 1933, il déménage à Takarazuka, petite ville de la banlieue d’Osaka. Petit, chétif, affublé de lunettes, Osamu est un enfant solitaire et la risée de ses camarades de classe. Mais son père, très ouvert, possède un petit projeteur et Osamu découvre les œuvres de Disney et la maison regorge vite de mangas de l’époque. Influencé, Osamu dessine sa première BD à 9 ans (Pin-Pin Nama-chan) et devient populaire à l’école grâce à son talent. En 1941, il entre au collège et se passionne pour la science, surtout les insectes. Il commence à dessiner sa propre encyclopédie illustrée, le Monde des Insectes. Mais la guerre éclate et, à 16 ans, il est incorporé dans un centre d’entraînement militaire. Victime d’une infection des bras, il est guéri puis mobilisé dans une usine d’Osaka où il frôle la mort sous les bombardements.
1945, au sortir de la guerre, il s’inscrit en faculté de médecine à Osaka. Parallèlement à ses études, il publie dans un quotidien de la ville (1946) un strip humoristique de quatre cases racontant les aventures d’un gamin facétieux.

Pianiste émérite, il se produit aussi à cette époque dans des récitals et se joint à la troupe théâtrale de son université. En 1947, il réalise Shin Takarajima (la Nouvelle Île au Trésor) sur un scénario de Sakai Shichima : 192 pages directement publiées par un petit éditeur d’Osaka, un record de vente ! On y lit l’histoire d’un jeune homme à la recherche d’un trésor dans un style tout nouveau inspiré des animes US et des procédés narratifs nés du cinéma qui séduit énormément le public.

1947-1950 : Tezuka publie plus de trente histoires pour différents éditeurs d’Osaka, touche à tous les genres (SF, Histoires médiévales, western, contes…). Il s’essaie même à la réalisation du classique occulte inspiré du Faust de Goethe et livre avec la trilogie Lost World (1948) – Metropolis (1949) – Next World (1951) des récits d’anticipation importants. A cette époque, les personnages récurrents qui font la richesse de la famille tezukienne sont déjà en place : des héros juvéniles, un brave homme, des méchants très méchants…



Populaire dans la région d’Osaka, Tezuka commence à démarcher les revues basées à Tokyo. Il attire l’attention de l’éditeur Gakudôsha qui lui commande un feuilleton, ce sera Jungle Tatei (le Roi Léo) qui paraîtra entre 1950 et 1954. Cette série contant les aventures de trois générations de lions blancs deviendra un incontournable tout comme Tetsuwan Atomu (Astro Boy) ou les aventures d’un petit robot à l’apparence d’un garçon publié par Kôbunsha et dont la publication se poursuivra jusqu’en 1968 ! Tezuka abandonne peu à peu le marché d’Osaka et s’installe à Tokyo dans un pavillon peu coûteux, Tokiwasô. Dès lors, les publications se multiplient et les éditeurs en redemandent, parmi ces œuvres, on retiendra surtout Ribon no Kichi (Princesse Saphir pour le lectorat féminin) et Lion Books (recueil d’histoires fantastiques pour les lecteurs plus âgés). Tezuka trouve encore le temps de se marier et d’achever sa thèse de médecine qu’il fait publier. Mais il n’exercera jamais, trop accaparé par sa carrière de mangaka.

Fin années 50, une tendance anti-Tezuka naît : sur le terrain des librairies de prêt, on valorise des récits plus adultes et à tournure dramatique, porté par un dessin plus réaliste et des histoires ancrées dans la réalité. Qu’importe, Tezuka prend le train en marche et assombri pour ce marché certains de ses récits, même ceux pour la jeunesse, ajoutant monstres et démons (Vampire en 1966-1967). C’est ainsi que naît Rock, son personnage diabolique par excellence.
1967 : Tezuka fonde sa propre revue, COM, afin de promouvoir les jeunes talents, de toucher un public plus mûr et de se ménager une liberté créative. Accueillant ces jeunes artistes dans son pavillon, il forme un groupe surnommé Tokiwasô. C’est dans COM qu’il publie ce qu’il considèrera comme l’œuvre de sa vie, Phénix, condensé de préoccupations humanistes et métaphysiques que Tezuka reprendra régulièrement jusqu’à sa mort, dénonçant le matérialisme et la prétention humains. Ce qui ne l’empêche pas de travailler pour d’autres éditions, dessinant pas mal de récits SF tels que Big X (1963-1966) ou les aventures d’un super-héros invicible né d’expérimentations militaires.
1968, il sort du circuit des librairies de prêt et commence à envahir sérieusement celui des magazines de mangas. Tezuka fait alors évoluer son style graphique vers plus de réalisme et aborde des thèmes plus matures pour séduire les nouveaux publics avec Swallow the earth (68-69), I.L (69-70), Ayako (72-73) tout en continuant de produire pour la jeunesse. Mais cette tendance dramatique et réaliste lui apporte des ennuis : en 1971, il est poursuivi par des associations de protection de l’enfance à cause de la trop grande présence de sexe et de violence dans ces récits pour jeune public.

Durant les dernières années de sa vie, Tezuka se consacre davantage à l’animation. Ses feuilletons papier n’en demeurent pas moins nombreux, remarquables et primés (Bouddha, Black Jack, Mitsume ga Tôru, Hidamari no ki…).

Côté animation, Tezuka a souvent déclaré que la BD était sa femme et l’animation sa maîtresse, les revenus de la première servant à financer la seconde… C’est en 1958 qu’il est contacté pour la première fois par le studio Tôei pour travailler sur l’adaptation de son manga Boku no Songôku mais cette expérience n’est guère concluante à son goût, ce qui renforce sa détermination de fonder son propre studio en 1961, Mushi Production. Sa première réalisation, Aru Machikado no monogatari est un joli court métrage expérimental fait avec des moyens réduits et une petite équipe. Tezuka se lance alors dans la série animée pour la télévision nippone avec l’adaptation d’Astro Boy. Malgré le budget ridicule et une animation de seulement 6 à 8 images par seconde, le succès ne se fait pas attendre. Suite à cela, les réalisations se multiplient : Big X (1964), Wonder 3 (1965), Jungla Tatei (1965 / première série en couleurs), Ribon no kishi (1967)…

En même temps, Tezuka veut faire connaître ses talents personnels de réalisateur et se lance dans la production de courts métrages (Mermaid/la Sirène en 1964 et bien d’autres touchant au monde du conte) qui ne rencontrent pas le succès et endettent sa société. Fin 1972, Tezuka quitte Mushi Production suite à des conflits syndicaux. La société ne survivra qu’un an. Il fonde en 1976 un nouveau studio, Tezuka Production consacré entièrement à la réalisation de séries animées avec quelques longs métrages (Hi no tori / Phénix 2772 consacré à son chef d’œuvre mais coûtera bien plus qu’il ne rapportera). Jusqu’à la fin de sa vie, Osamu Tezuka se consacrera à ses courts métrages et au manga dont un grand nombre restera inachevé.

Il meurt en février 1989 d’un cancer de l’estomac, maladie qu’il avait cachée pour continuer à travailler jusqu’au dernier instant, et prend ses fans et nombreux lecteurs par surprise. Il vécu exactement le temps de l’Ere Showa (1928-1989) et sa mort affecta alors bien plus les japonais que le décès de l’empereur Hiro-Hito survenu quelques semaines avant.



L’héritage laissé par Tezuka est immense tant il était un bourreau de travail à l’imagination prolifique sachant rester sur le devant de la scène en dépit des nouveautés et des crises financières qu’il affronta. A cela s’ajoutent les codes et techniques qu’il a apportés tant au manga qu’à l’animation, hissant l’art graphique nippon à un niveau inégalé dans ce domaine. Le prix Tezuka qu’il créa en 1971 récompense toujours un mangaka débutant (tous les ans), lui apportant commandes et réputation favorables dans le milieu.
Mais qui était-il vraiment derrière toute cette créativité ? Les spécialistes s’accordent pour répondre qu’il était un être extrêmement cultivé, pouvant tenir une conversation sur tout et n’importe quoi avec n’importe qui, une éponge à connaissance, à la mémoire phénoménale, gentil et aimable en public mais entrant parfois dans des colères noires en privé ou le travail et que, bien que pacifiste convaincu, il était doté d’un solide sens de la compétition.

Plus important que tout, il est devenu à son insu ambassadeur de la BD et de l’animation de son pays à travers le monde.

Source : Julien Bastide, Animeland.


 
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