Nirvana

Nirvana
par ana









  
 
 







 
 




Si je vous cite Nirvana, vous pensez au spleen, à la drogue, à quelque notion religieuse et spirituelle mais peut-être surtout à un groupe de rock « grunge » qui a marqué les années 90 comme Led Zeppelin a marqué la musique des 60/70’s.



En 1985, dans le coin perdu d’Aberdeen de l’état de Washington, autant vous dire un trou de bucherons pour lesquels la culture se résume à la musique écoutable à la radio locale et au sport, voire à la chasse, et oui, il y a des gens comme ça qui ont une approche bizarre de ce que peut être la culture… dirons-nous locale pour ne pas être méchants, que Kurt Cobain, Dave Crover et Dave Foster créent un premier groupe, « Fecal Matter ».



Kurt Cobain étant le leader et l’identité la plus marquante de Nirvana, je parlerai pas mal de lui.



C’est à Aberdeen qu’il est né et a grandi, un lieu qu’il détestera toute sa vie tant il lui apparaîtra petit, médiocre, invivable et si loin de ses rêves. Car des rêves d’évasion, de gloire, il en nourri à en devenir déjà fou. 15 ans et il pique des crises incontrôlables chez lui, cassant tout ce qui lui tombe sous la main.

La faute à qui ? Ses parents qu’il aimera et détestera en un étrange mélange auto-destructeur sont des gens communs, mais leur mariage précoce, leur divorce et le remariage de son père ont été des chocs difficiles à encaisser. Kurt a été balloté entre les deux pendant un temps avant d’être rejeté comme un objet encombrant par son père qui l’envoya vivre chez des parents plus ou moins proche, ne supportant plus sa mésentente avec sa nouvelle épouse et ses deux enfants d’un précédent mariage. Après plusieurs déménagements et déracinements, Kurt a 18 ans quand il retourne vivre chez sa mère mais il est tellement découragé par les études qu’il laisse tomber deux mois avant la fin du lycée. Sa mère le menace de le mettre dehors s’il ne trouve pas un petit job et comme il ne cherche pas, elle s’exécute. Kurt dormira chez des potes, des collègues de ses maigres jobs sans intérêt qu’il laissera tomber les uns après les autres (homme à tout faire dans un hôtel), se glissera chez sa mère en son absence et parfois trouvera le sommeil dehors.

De cette époque est née son besoin de reconnaissance et sa bouée de survie est venue de la musique. Mais il gardera un souvenir hideux de cette région qui ne signifie que souffrance (qui se manifestera toute sa vie sous la forme psychosomatique de maux d'estomac insupportables), de ces gens dans la norme qui peuplent son enfance et constituent l’ennemi invisible et omniprésent qu’il combattra de toute son âme. Son exutoire est la musique et sa guitare. Il fonde donc ce premier groupe avec des potes de lycée, il chante et gratte tandis que Dale Crover joue de la basse et Dave Foster de la batterie. Mais le groupe se dissout rapidement après quelques démos et des petits concerts ici ou là dans l’état.



Etat de grâce avant que tout ne s'emballe ?


La nouvelle formation intègre Chad Channing à la batterie, Krist Novoselic à la basse et prend le nom de "Nirvana". Ils ont plus de propositions de concerts, surtout grâce à leur manager, un pote du même âge, qui leur trouve les lieux et enregistrent diverses démos. Mais Kurt ne trouve pas dans le jeu de Channing le rythme qu’il recherche. Agacé, rattrapé par ses mauvaises habitudes Kurt détruit sa première guitare en public le 30 octobre 1988. Cette exécution lui apporte une certaine paix, un exutoire au stress de la scène, aussi recommencera t-il souvent…





1989, ils sont remarqués par le label Sub Pop de Seattle alors qu’ils font une mini-tournée en Californie et signent pour un premier album, « Bleach » dont le titre leur a été inspiré par une campagne d’affichage de lutte contre le sida, assimilant le préservatif et autres moyens de protection à l’usage de l’eau de javel purificatrice de tout microbe… et oui « Bleach » signifiant « délavé ». Le disque peine à trouver son public même si la critique du milieu est positive : les paroles sont sombres, les rythmiques lourdes et agressives qui rappellent l’influence de Led Zeppelin. La voix de Kurt Cobain est particulière, grave et pourtant fragile, on la sent capable de se briser au prochain accord. Seul le titre « About a girl » tranche avec les autres chansons car elle est très douce, presque acoustique mais révèle une vraie personnalité musicale en devenir.





En 1990, il est temps d’enregistrer un second album mais la batterie de Channing ne correspond plus aux aspirations de Cobain et Novoselic. Buzz Osborne du groupe Melvins leur présente Dave Grohl. Sa frappe est puissante, elle promet de s’harmoniser aux nouvelles compositions. Dans le même temps, "Nirvana" cherche à signer en major pour avoir une meilleure production qu’avec le petit label indépendant Sub Pop. C’est Greffen Records qui leur prête attention, grâce aux recommandations d’autres musiciens de la scène underground.





« Nevermind » sort en septembre 1991. C’est une tempête qu’il annonce. Avec les talents et les moyens des nouveaux producteurs, les titres de Nirvana résonnent plus fort. Non seulement la critique s’emballe plus qu’avant mais les ventes aussi !




Le single « Smells like Teen Spirit » s’entend partout sur les ondes et le clip passe en boucle sur MTV. Le phénomène est stupéfiant tant il est soudain et puissant. Du jour au lendemain, « Nirvana » devient synonyme d’un nouveau mouvement, le « grunge », symbole d’une révolte qui anime les enfants de la génération X, comprenez ceux nés entre le Baby-boom et la chute du mur de Berlin, ceux qui se cassent le nez face à un chômage grandissant, une précarité pas nouvelle mais amplifiée et une société qui se retranche derrière de basses excuses. Ces jeunes et moins jeunes (les premiers nés sont de 1959) ont un dégoût pour la société et peut-être même pour l’humanité, dégoût qui fait écho à la personnalité torturée de Cobain.





En cela, il se retrouve. Mais en rien d’autre : que Seattle retrouve la flamme allumée par Hendrix et devienne le centre du monde pour la musique underground ne gène pas « Nirvana » mais la fièvre médiatique qui trahit leur message, oui. Un effet de mode, voilà ce que devient le « grunge » et donc leur message, biaisé par l’argent généré autour de leur créativité.





C’en devient à tel point que Cobain refusera de chanter le titre phare « Smell Like Teen Spirit » lors des concerts, en réaction à cet engouement qui lui donne la nausée. Le succès oui, mais en restant fidèle à ce qu’il ressent, ce qu’il est, pas en se travestissant pour les besoin d’un marketing assassin. Même le petit label Sub Pop qui détient toujours ses parts sur « Bleach » tire son épingle du jeu et se taille une réputation de découvreur de talents dans le milieu devenu si incontournable de l’underground et sort même sans l’accord du groupe une compilation de morceaux composés pour les faces B sur les démos.

Pourtant, la vague poursuit sa route : « Nevermind » détrône même le roi de la pop et son album « Dangerous » en 1992, « Nirvana » passe devant Michaël Jackson.




Sur « Nevermind », on trouve un autre single à succès, « Come as you are », devenu un classique mais qui fit les frais d’un procès : le leader de Killing Joke accusant « Nirvana » d’avoir pompé ses accords. Il est vrai qu’à l’écoute on pe »ut y songer mais on sait que Cobain admirait Killing Joke alors son inspiration a dû, instinctivement, reproduire certains accords. Mais Cobain ne cache pas ses admirations ni ses influences, celles nées de l’écoute des Pixies, de Killing Joke, de Led Zeppelin…


Mais l’année 1992 est aussi très importante côté privé puisque Courtney Love que fréquente Cobain depuis plus d’un an est enceinte. Ils se marient à Hawaï dès que la tournée est achevée. Leur fille Frances nait en août. Cobain est immédiatement très proche de sa fille, lui déclarant sa tendresse dans des pages entières de son journal (publié après sa mort).





1993. Déjà un troisième opus. « In Utero » créé la surprise. Les compositions sont plus fines, plus recherchées, la production a changé de mains et ça se sent. Le tout s’adapte aux paroles de Cobain qui abordent des thématiques plus ambivalentes encore, il y révèle une grande part de l’obscurité qui l’habite.










Le titre sorti en single « Rape Me » (viole moi) fait son petit scandale. On l’accuse d’excuser le viol alors que Cobain étant lui-même féministe se défend, clamant que ses paroles sont au contraire pour dénoncer cet acte de violence. En tant que femme, je ne suis pas convaincue…





« Rape me, rape me my friend, rape mi, rape me again
I am the only one […] Hate me, do it and do it again, waste me, rape me my friend
I am the only one […]
My favourite inside source, I’ll kiss your open concern, You’ll always stink and burn[…]”

“Viole moi, viole moi mon ami, viole moi, viole moi encore
Je ne suis pas le seul […]
Haïs-moi, fais le et fais le encore, gaspille moi, viole moi mon ami
Je ne suis pas le seul […]
Ma source intérieure préférée, j’embrasserai tes blessures ouvertes, je connais tes soucis, vous puerez et brûlerez toujours… »


Avec le recul, les biographes pensent plutôt que Cobain y exprime le viol de sa vie privée par les médias mais cela reste une hypothèse puisque le groupe a joué cette chanson au cours de ses prestations d’inconnus bien avant de signer avec un label.







Dans le même temps, « Nirvana » enregistre en studio une version « Unplugged » ou acoustique de leurs succès dans les studios de MTV. C’est l’occasion pour le groupe de montrer que leur musique ne se résume pas à un son violent, il a un vrai talent musical et sait adapter ses créations.


Malgré tout, cela ne fait qu’accentuer la vague enclenchée avec « Nevermind ». Certes les ventes ne sont pas aussi florissantes mais qu’importe, le public et surtout les vrais fans sont au rendez-vous. La tournée américaine est suivie d’une tournée en Europe qui est écourtée en janvier 1994 en raison des problèmes de santé de Cobain. On parle de bronchite aigüe mais l’abus de drogue est très souvent cité.



Des appels au secours sont répétés par Courtney Love, elle sait que Cobain est suicidaire et que cela empire. Des policiers se présentent chez eux mais Cobain minimise les arguments de sa femme, insistant sur le fait qu’il a juste besoin de solitude. Mais Courtney Love insiste de plus belle, réunissant des proches et amis lors d’une même soirée afin de lui parler et de lui remettre les idées au beau fixe. Kurt Cobain est réticent à les écouter, peu avenant et boudeur. Fin mars, on le fait entrer dans un centre de traitement de Los Angeles mais il sort fumer et escalade le mur pour foncer à l’aéroport et rentrer dans sa maison de Seattle.





Cependant, personne ne sait où il est et Courtney engage un privé pendant que sa propre mère remplit un avis de recherche auprès des services de police, précisant qu’il a une arme sur lui.

Le 8 avril 1994, un électricien découvre le corps de Kurt Cobain dans la pièce située au-dessus du garage de la maison de Seattle. Il est mort depuis le 5 avril, il s’est tiré une balle de fusil dans la tête après s’être injecté une dose massive d’héroïne.




Malgré le rapport de la police et du médecin légiste, le privé engagé par Courtney Love s’acharne encore à défendre l’idée que Cobain aurait été assassiné par sa femme car il souhaitait divorcer. La lettre authentifiée de sa main que l’on retrouve près de lui serait pour certain une lettre d’adieu et pour d’autres un de ses nombreux écrits expliquant qu’il quittait la scène de la musique en même temps que sa femme. Les preuves du meurtre supposé ? La dose d’héroïne qui l’aurait empêché de se tirer une balle dans la tête mais aucun médecin n’a pu certifier que le corps déjà habitué aux drogues n’aurait pas supporté le taux élevé d’héroïne assez longtemps pour qu’il agisse, la taille du canon trop longue par rapport aux bras du chanteur qui aurait été un obstacle à ce qu’il se tire dessus, etc…

Pourtant, lettre ou pas, lorsque l’on lit les pensées de Kurt Cobain dans « Le Journal » publié récemment, on ressent ses pulsions morbides et une tendance absolument sérieuse à flirter avec la mort comme si c’était elle, son âme sœur !



Lettre de suicide qu’il a étrangement adressée à Boddah, son ami imaginaire d’enfance…



« Parlant du point de vue d'un niais qui en a vu et qui, visiblement, préférerait être un gamin émasculé, cette lettre devrait être assez facile à comprendre. Tous les avertissements qui m'ont été donnés, au gré des quatre cents coups du punk rock, depuis ma découverte, dirons-nous, de l'éthique qu'impliquaient l'indépendance et l'embrassement de votre communauté, se sont avérés justifiés. Je n'ai plus ressenti d'excitation à écouter de la musique ni même à en créer depuis maintenant trop d'années. Je me sens coupable de tout cela bien au-delà des mots. Par exemple, lorsque nous sommes en coulisses, que les lumières s'éteignent et que les hurlements frénétiques de la foule commencent à se faire entendre, cela ne me touche plus autant qu'un Freddie Mercury, qui semblait adorer et se délecter de l'amour et de l'adoration que cette foule lui témoignait, ce que j'admire et envie totalement. Le fait est que je ne peux pas vous tromper, aucun d'entre vous. Cela n'est honnête ni pour vous ni pour moi. Le pire crime auquel je puisse penser serait de duper les gens en prétendant que je m'amuse encore à 100 %. Parfois, j'ai l'impression que c'était comme si je pointais avant de monter sur scène. J'ai essayé tout ce qui était en mon pouvoir pour y prendre plaisir (et j'y prends effectivement plaisir, mon dieu croyez moi, j'y prends plaisir, mais pas suffisamment). Je me réjouis d'avoir touché et diverti tant de gens. Je dois être l'un de ces narcissiques qui n'apprécient les choses que lorsqu'elles ne sont plus. Je suis trop sensible. J'ai besoin d'être légèrement engourdi pour retrouver l'enthousiasme de mon enfance. Au cours de nos trois dernières tournées, j'ai pu apprécier bien mieux tous les gens que j'ai croisés et les fans ; mais je ne parviens toujours pas à surmonter la frustration, la culpabilité et l'empathie que j'éprouve à l'égard de tout le monde. Il y a de la bonté en chacun de nous et je pense que j'aime tout simplement trop les gens. Tant et si bien que ça me rend foutrement triste. La tristesse, Petit Jésus indifférent né sous le signe du poisson...Pourquoi ne pas simplement se réjouir ? Je ne sais pas. J'ai une femme divine qui transpire l'ambition et la compassion et une fille qui me rappelle trop ce que j'ai été, plein d'amour et de joie, qui embrasse chaque personne qu'elle croise parce que chacun est bon et ne lui fera pas de mal. Et ça me terrifie au point que je peux difficilement fonctionner. Je ne peux pas me faire à l'idée que Frances puisse devenir le rocker misérable, autodestructeur et suicidaire que je suis aujourd'hui. J'éprouve de la reconnaissance, mais dès l'âge de sept ans, j'ai commencé à haïr l'être humain en général. Simplement parce que ça semble si facile pour les gens de s'en aller avec la compassion. Seulement parce que j'aime trop les gens et que je me montre trop compatissant envers eux, je crois. Je vous remercie tous, depuis le gouffre brûlant de mon estomac nauséeux, pour vos lettres et l'intérêt que vous m'avez accordé ces dernières années. Je suis quelqu'un de trop erratique, de trop instable. Je n'ai plus de passion, alors rappelez-vous : il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre à petit feu. Paix, amour, compassion. Kurt Cobain.

Frances et Courtney, je vous adorerai toujours. S'il te plaît, Courtney, continue pour Frances, pour que sa vie soit bien plus heureuse sans moi. JE VOUS AIME. JE VOUS AIME !!!
»


Banc proche de la maison dans laquelle est mort Kurt Cobain, sur lequel des centaines de fans ont gravé leur message....



La machine « Nirvana » a marqué l’univers mondial de la musique non par un son nouveau mais par des thématiques et une recherche d’authenticité de vie qui avait disparu dans les années 80. Le rock alternatif est né grâce à eux et à leur succès, prouvant qu’on pouvait toucher le public par un autre moyen que les grandes scènes. Malgré tout, le décès de Cobain a de nouveau eut une influence totalement inverse à son souhait : des albums posthumes sont sortis, des reprises, des démos ont été exploitées pour le plus grand bonheur des fans et surtout des producteurs. Si Dave Grohl est resté batteur en vendant son talent à divers groupes, enregistrements, tournées et évènementiels musicaux renommés, Krist Novolesic s’est un moment éloigné du monde de la musique après deux tentatives ratées de reformer un groupe. Il s’est même lancé en politique… Le mythe de « Nirvana » ne repose donc plus et plus que jamais sur la mémoire de Kurt Cobain, un écorché vif qui demandait tant à être aimé mais n'a pas supporté l'amour envahissant de son public, moins encore l'industrie de la musique.




Pour les curieux, mais à lire quand on a le moral :


Editions de poche, pas cher ^ ^

Sources : "Journal", Kurt Cobain, Wikipédia, Google images, Youtube, lacoccinelle.fr pour la traduction des paroles de chanson.





 
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