HENDRIX Jimi

HENDRIX Jimi
par ana









  
 
 







 
 




Dès que l’on cite le nom de Jimi Hendrix, une foule d’idées reçues et de clichés abreuvent les cerveaux. Mais derrière la légende se cachait un homme déchiré par ses démons, poursuivit par ses traumatismes d’enfance qui n’ont eu de cesse de le détruire à petit feu.



Johnny Allen Hendrix naît le 27 novembre 1942 à Seattle. Sa mère Lucille a des origines Cherokee. Elle l’a mis au monde seule tandis que son père était mobilisé dans l’Oklahoma. Les premières années de vie du petit Johnny ne sont pas roses car Lucille se révèle incapable de s’occuper de lui, rongée par un alcoolisme dévorant. Une fois démobilisé, Al Hendrix récupère son fils qu’il rebaptise James Marshall Hendrix en mémoire de son frère mort à la guerre. Il n’abandonne pas Lucille puisqu’ils s’installent ensemble et donnent même un petit frère à James en 1948. Mais les crises de ménage se font de plus en plus courantes, Lucille ne se soigne pas et Al sombre lui-même dans l’alcool et la violence conjugale. Le divorce est prononcé en 1951.

James a neuf ans et son quotidien est un calvaire : la maladie de sa mère qui meurt en 1958, la violence d’un père qui le bat, la pauvreté de la famille… Rien dans son enfance ne le rend heureux. Sauf une minuscule chance : il vit à Seattle, dans un quartier cosmopolite qui noie les influences raciales et culturelles dans une cordialité enrichissante. Si la ségrégation existe encore dans l’Amérique de cette époque, Seattle garde ses distances avec les extrêmes du Sud. Heureusement pour James qui a du sang amérindien, noir et blanc !





Une autre petite lueur d’espoir prend la forme d’un harmonica, premier instrument de musique qu’il possède dès l’âge de 4 ans, un cadeau de papa… Est-ce parce qu’il en veut à ce père imparfait ou parce que l’instrument n’est pas à la hauteur, il s’en lasse vite. A 15 ans, il achète sa première guitare, une acoustique d’occasion payée 5 dollars à un ami de son père.

Il apprend seul, sans professeur, sans aide d’aucune sorte, à l’oreille et au doigté. Tout son temps y est consacré, ce qui lui vaut des notes scolaires laborieuses. Mais il s’en moque, il a trouvé son but, son rêve : devenir musicien. Il intègre un premier groupe, les « Velvetones », puis un second, « The Rocking Kings » et trouve l’argent pour sa première guitare électrique.

La roue ne tourne pas toujours comme on le voudrait : en 1961, James est mêlé à un vol de voiture et préfère s’enrôler dans l’armée que d’aller en prison. Il se débrouille assez bien pour obtenir l’écusson des Screaming Eagles (rare à l’époque pour un afro-américain), une division aéroportée qui s’est distinguée pendant la seconde guerre mondiale.







Jimmy pas encore devenu Jimi, en uniforme et rasé de frais !


L’adoption par ses camarades de l’armée va plus loin puisqu’il créé un groupe, « The King Casuals ». Mais à la suite d’un saut en parachute, il se blesse à la cheville et est réformé. Il quitte ses amis musiciens et retourne à la vie civile.

Greenwich Village, NewYork, 1965

New York. Sans travail, il se fait embaucher comme guitariste sous le nom de Jimmy James dans plusieurs formations de Rythm and Blues qui tournent dans les clubs dont la clientèle est majoritairement afro-américaine. Il se fait même enregistrer lors de certaines prestations. En 1965, il joue avec des têtes d’affiche qui vendent bien tels que Ike et Tina Turner et Little Richard. Mais Jimmy cherche trop à se faire remarquer au goût de ces partenaires de scène et ces collaborations ne durent pas.




Vivant dans le Greenwich Village, il s’inspire de la fureur urbaine légendaire pour trouver son propre style et surtout son propre son. Il fonde un autre groupe, « Jimmy James & The Blue Flames », dont il est le leader et le compositeur principal. Peu à peu, il se produit devant des pointures qui sont déjà installées dans le milieu professionnel et toutes, sans exception, se souviennent du choc ressenti face à ce génie de la guitare électrique. « […] Hendrix savait qui j’étais, et ce jour là, en face de moi, il m’a désintégré. Des bombes H dégringolaient, des missiles téléguidés volaient dans tous les coins – je te raconte pas les sons qui sortaient de sa guitare. Tous les sons que je devais l’entendre reproduire plus tard, il les a faits, dans cette pièce[..] » (Mike Bloomfield).


Ses influences sont déjà claires : BB King, John Lee Hooker, Mudy Waters, Buddy Guy, Bob Dylan, le rock anglais en général, Jeff Beck, les Who, Miles Davis.

Il est enfin repéré par Chas Chandler, ancien membre des « Animals » devenu véritable chasseur anglais de talents, et qui lui propose de venir se faire connaître au Royaume-Uni, pays déjà prêt à accueillir ce genre de son. Selon la petite histoire, Jimmy aurait accepté à une condition : de rencontrer celui que les anglais disaient être le meilleur guitariste au monde, « God », Eric Clapton. La chose est entendue et Jimmy suggère une deuxième chose : son nom de scène sera Jimi Hendrix.

Hendrix rencontre Clapton en octobre 1966 au Central London Polytechnic. Clapton joue dans le groupe qu’il a créé, « Cream » et accepte qu’Hendrix se joigne à eux pour la soirée. Ils reprennent « Killing Floor » et Clapton raconte « Il a joué de la guitare avec les dents, derrière la tête, allongé par terre, en faisant le grand écart et d’autres figures. C’était stupéfiant et génial musicalement, pas uniquement un vrai feu d’artifice à contempler […] J’ai pris peur car, juste au moment où on commençait à trouver notre vitesse de croisière, voilà qu’arrivait un vrai génie. »




"He Killed God, man!"





Les auditions de Londres lui apportent deux musiciens, un bassiste et un batteur pour former le « Jimi Hendrix Experience ». Peut-être inspiré du trio de « Cream », Hendrix forme lui aussi un groupe de trois membres. Noël Redding guitariste devenu donc bassiste et Mitch Mitchell sont enthousiastes, le premier parce que les « Animals », son groupe, n’existe plus et le second parce que son ancien groupe lui interdisait toute initiative créatrice.

Détail amusant : notre Johnny Hallyday national entend vanter les qualités d’Hendrix et l’invite à roder son groupe lors de quatre de ses concerts de 1966 en France, en guise de première partie. L’une de ces dates est l’Olympia. Le concert est enregistré par Europe 1 et diffusé dans l’émission « Musicorama ». Le public français qui ne connaît alors que les yéyés, les Beatles et les Rolling Stones, découvre Hendrix avant tout le monde !

Décembre 1966, « Hey Joe » est LE titre qui fait définitivement sortir Hendrix de l’ombre. Cela faisait longtemps que Jimi voulait une composition de Billy Roberts et c’est le jackpot ! Dans la foulée, il compose « Purple Haze » et Chandler entend tout de suite un nouveau tube.





Le succès des ventes lui donne raison, pas en raison d’une harmonieuse association de notes à la façon des Beatles, mais parce qu’Hendrix vit le rock et ses notes mieux que n’importe quel musicien de l’époque : il n’hésite pas à composer de manière révolutionnaire en usant sans pudeur ni retenue de toutes les possibilités sonores des instruments dédiés au rock. Son univers musical ne ressemble à aucun autre d’alors ! Sa maîtrise de la guitare en est l’essence.





Le troisième single, « The Wind Cries Mary » est enregistré dans la foulée, en une vingtaine de minutes. Hendrix joue tout à l’instinct, la technique est secondaire car il sait sans nulle hésitation comment faire sortir tel ou tel son de sa guitare. Cette fois-ci c’est une balade dans laquelle on peut entendre l’influence de Dylan.






Un premier album sort en mai 1967. « Are you experienced » est encore aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs disques de rock qui offre toute sa noblesse à la guitare électrique soutenue par l’harmonie de la basse et la complicité de la batterie. Hendrix y propose même une reprise de « I Don’t Live Today ». Lors de la tournée, il s’amuse à surprendre son public : il interprète sa version d’un titre du tout nouvel album des Beatles (« Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band ») dans les bacs depuis trois jours seulement ! Seule ombre au tableau : les problèmes techniques ravagent la qualité des concerts… McCartney suggère que le groupe d’Hendrix soit invité au Monterey International Pop Festival américain et le résultat est mémorable. Inconnu sur sa terre natale, Jimi Hendrix et ses complices deviennent des incontournables et pas uniquement en terme de musique ! Hendrix a laissé parler sa nature de showman excessif d’abord par une certaine frime face aux « anciens » mais surtout en mettant le feu à sa guitare Fender Stratocaster avant de la fracasser au sol…






Dans la foulée, un autre single voit le jour, « Burning of the Midnight Lamp », et le groupe fait la première partie des Monkees pendant leur tournée américaine. Mais le public n’apprécie guère le son « Hendrix » et surtout l’attitude et le look de Jimi jugés trop érotiques pour les jeunes fans des Monkees… La tournée s’achève sans le « Jimi Hendrix Experience ». De retour à Londres, de nouveaux lives et d’autres compositions sont les sources d’un second album « Axis : Bold as Love » qui sort en décembre 1967. Cette fois-ci Hendrix se concentre sur la rythmique de sa guitare et ses compositions. Les titres sont courts, typiques de la production de Chandler. Mais Hendrix entame un tournant. Il enregistre une reprise de « All Along the Watchtower » de Dylan et commence l’enregistrement d’un troisième disque à New York. Les progrès techniques récents apparus dans la fabrication du matériel sont une aubaine pour la créativité d’Hendrix : « Electric Ladyland » contient 16 pistes d’une liberté totale. Mais la tension monte au sein du groupe. Quiconque est un ami peut s’inviter aux enregistrements qui deviennent un rendez-vous de potes malmenant les conditions de travail pour les ingénieurs du son. Chandler finit par laisser tomber, Jimi Hendrix devient son propre producteur.






Mais ce n’est que le début des soucis… Les deux membres du groupe apprécient de moins en moins de passer systématiquement au second plan, derrière leur leader et parfois ses invités d’une session, même s’ils sont réputés (le pianiste de blues Steve Winwood, Buddy Miles, Al Kooper…) qui se joignent à Hendrix pour de riches interprétations, ma préférée étant « Voodoo Child ». Malgré tout « Electric Ladyland » est considéré comme l’album chef d’œuvre d’Hendrix. En public, les concerts sont devenus de longues improvisations de guitare qui durent jusqu’à plus de 10 minutes, ce qui n’arrange rien.





Voodoo Child version vinyle


Le 3 mai 1969, le groupe débarque à l’aéroport Pearson de Toronto. Les douanes canadiennes découvrent des stupéfiants dans les bagages d’Hendrix qui est arrêté. Libéré sous caution, il craindra d’être envoyé en prison durant le reste de l’année. Le stress ajouté à la mésentente met fin au groupe après cette tournée américaine de 69.



A propos de drogues, il est certain puisque Jimi l’a admis lui-même qu’il s’est adonné à la marijuana avant de s’essayer à des substances plus fortes et hallucinogènes (LSD, amphétamines). Il en parlait même dans ses chansons, appelant son public à se méfier de la dépendance (« Ne te défonce pas trop, souviens-toi que tu es un homme »). Nul doute que cette addiction ne fit que suivre un mouvement qui était répandu à l’époque dans le milieu professionnel de la musique mais Jimi affirmait ne rien chercher d’autre que l’amusement des sensations et non une soit-disante inspiration surnaturelle, une connexion extra-sensorielle avec soi-même comme le prétendaient certains autres artistes. En revanche, il parlait moins de son addiction à l’alcool, sûrement à cause de ses antécédents familiaux, mais on sait qu’il buvait et en devenait violent, parfois avec ses petites amies.



Jimi suit son inspiration débordante et engage une nouvelle « expérience ». Il fait de nouveau appel à ses potes de l’armée dont Billy Cox et s’adjoint des percussionnistes pour le « Gypsy Sun & Rainbow », son nouveau projet. La musique ainsi produite se démarque des anciens succès de Hendrix, il expérimente plus encore et retrouve son batteur Mitch Mitchell en cours de route.




L’été 69 n’est pas encore fini : le festival de Woodstock s’amorce et Jimi a accepté d’en être la tête d’affiche, il clôture le festival qui a duré tellement plus longtemps que prévu (4 jours et deux nuits non stop, 500 000 personnes) que lorsqu’il entre sur scène, une partie de la foule s’est déjà retirée. La prise de son n’est pas terrible puisque le Festival a été organisé sans vrai sponsor ni argent donc avec du matériel loin de la qualité des studios professionnels aussi ne profite t-on pas vraiment des percussions qui s’effacent devant le duo de guitare et la résonance de la batterie.





Le concert est littéralement une séance d’improvisation qu’offre Hendrix au public, alors qu’il est visiblement épuisé et drogué. Pourtant, sa prestation est inoubliable, il réinterprète l’hymne national US de manière spectaculaire. Son rock déborde de psychédélisme et de jazz rock, emploie, cherche et déniche toujours plus de sons inédits qui peuvent sortir d’une guitare électrique.




La formation « Gypsy Sun & Rainbow » ne survit pas au succès du festival. Jimi Hendrix réunit un nouveau trio, uniquement des afro-américains avec Billy Cox et Buddy Miles. Le « Band of Gypsys » sort un album live début 1970 qui déroute fans et critiques : la tendance est nettement celle du funk ! Jimi lui-même reconnaît que c’est une œuvre médiocre sortie à cause de ses problèmes juridiques et d’un besoin d’argent. Ce nouveau funk rock donne naissance à un nouveau mouvement musical mais ce n’est pas le style tant aimé d’Hendrix.



L’apothéose se produit lors d’un concert gratuit donné à Madison Square Garden pour les opposants à la guerre du Viet-Nam. Jimi insulte une spectatrice et massacre une reprise, puis une autre, interpelle le public en pleine chanson… Il est visiblement sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue et prend la mouche lorsque Buddy Miles tente de le calmer. Jimi débranche sa guitare et s’en va. Buddy Miles accuse le manager de Jimi, Michael Jeffrey, de lui avoir donné du LSD juste avant d’entrer en scène et se fait virer sur le champ. Plus tard, l’esprit clair ou presque, Jimi dira lors d’une interview que « C’est comme la fin d’un commencement ou quelque chose comme ça… », qu’il a affronté sa propre guerre intérieure ce soir là et que le Madison Square Garden n’était pas l’endroit pour ça… Pas de chance pour le public !

Au printemps 1970, Jimi Hendrix revient sur le devant de la scène comme ses fans l’aiment. C’est une tournée américaine avec Billy Cox et le retour, une troisième fois, de Mitch Mitchell à la batterie. C’est un retour aux sources mais différent, Jimi y tient. En semaine, il enregistre et les concerts sont en week-end, ce qui aide un retour de créativité et évite l’épuisement des anciennes tournées.

Parallèlement, Hendrix se fait construire et aménager son propre studio d’enregistrement à New York. Ses proches et collaborateurs le trouvent plus sérieux, plus soucieux de servir le texte et les compositions dans leur ensemble plutôt que de favoriser sans nuance la guitare. Hendrix a mûri son art. Mais il manque d’argent et accepte une tournée européenne qui ne se déroule pas très bien. Les répétitions sont au top mais une fois sur scène l’alchimie ne prend pas, Jimi semble ailleurs, déprimé, son feeling pour la scène s’est envolé… Au moins deux dates sont tout de même très réussies et emportent l’aval des critiques. Mais la tournée est écourtée en raison des soucis de santé de Billy Cox, ce qui tombe plutôt bien…

Hendrix retrouve Londres en septembre 1970 et rejoint déjà une nouvelle formation avec laquelle il enregistre.

Le 18 septembre, Hendrix est retrouvé mort au Samarkand Hotel de Londres. Le mystère demeure… Certaines conclusions soutiennent qu’il s’est étouffé avec son vomi, réaction physique dramatique dûe à l’absorption de barbituriques et d’alcool mais des proches affirment qu’il a été assassiné, forcé d’avaler ces drogues par son manager.

Il est enterré à Seattle où il est né et a grandi le 1er octobre 1970 alors que son souhait était de reposer à Londres.



Il fait aujourd’hui partie intégrante de la légende du rock et du tristement célèbre Club des 27 regroupant les musiciens décédés à 27 ans… Il n’était pourtant pas partisan du culte des célébrités, il ne voyait jamais très loin dans l’avenir, ne se souciait que de parvenir à sortir le son qu’il voulait, « ils pensent tous tellement à leur carrière et à leur avenir. Je m’en fous complètement, moi, de mon avenir ou de ma carrière. Je veux être sûr de pouvoir sortir ce que je veux. »






Statue légendaire en plein coeur de Seattle.


De son vivant, Hendrix n’aura publié que 4 albums dont la qualité d’enregistrement est très variable en raison de la faiblesse technique du matériel de l’époque peu adapté à ses expérimentations mais aussi à des moyens financiers insuffisants. Il y a tout de même quelques disques et compilations post-mortem si je puis dire, qui valent le détour, surtout avec la remastérisation.



L'album Electric Ladyland



L'album Valleys of Neptune


La légende de Jimi Hendrix est celle d’un musicien qui a réinventé un genre musical encore balbutiant par la seule force de son savoir faire inné. Sans avoir jamais pris de cours ni de guitare ni de solfège, Hendrix a composé et mis en scène des morceaux qui exploitent pleinement la moindre parcelle de son qu’il pouvait faire chanter à sa guitare. Et ça, pour l’époque qui se suffisait de ce qu’elle avait, c’était une conquête grandiose. Il a fait de la guitare électrique un instrument à part entière comme aucun guitariste avant lui. Il a prouvé que cet instrument décrié par les anciennes générations était capable de créer une palette de mélodies uniques. Bien des guitaristes ont été et sont encore influencés par son héritage et chacun en est fier !



Pete Townshend : « S’il ne reste qu’un nom dans toute l’histoire du rock’n’roll dans cent ans, ne cherchez pas, ce sera forcément Jimi Hendrix »

Eric Clapton : « Ce que je trouvais stimulant chez lui, c’était son attitude intensément autocritique envers sa musique. Il avait un don énorme et une technique extraordinaire, comme quelqu’un qui passait ses journées entières à jouer et à s’entraîner, et pourtant il n’en semblait pas conscient »




Sources : Wikipédia, Wikipédia images, Google images, Youtube.






 
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