San Ku Kai

San Ku Kai
par Keniori Mortback









  
 
 







 
 


San Ku Kaï



San Ku Kaï … Un nom emprunt d’une nostalgie particulière. Parce qu’il s’agit du premier de ce genre à être importé sous nos latitudes, ce titre constituera le chef de file en France d’un type de séries alors totalement inédit sur notre territoire.

Cette série se présente comme une histoire à première vue manichéenne qui revisite le concept éfiacreé d’un combat du bien contre un cruel oppresseur qui domine d’une main de fer un monde lointain. Mais c’est également et sans aucun doute un univers fascinant, des combats, acrobaties et cascades impressionnantes et des personnages hauts en couleur.
Revoir aujourd’hui San Ku Kaï avec un œil adulte, c’est sans doute d’abord sourire devant des trucages et des costumes dépassés, mais en fin de compte, la série nous dévoile des émotions, de l’espoir dont le discours rend l’histoire plus sérieuse et moins infantile qu’elle n’y paraît de prime abord.
Retour sur une série culte…

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Inspiration venue de l’ennemi

Nous sommes en 1977. Un « petit » film de science-fiction américain va cette année-là révolutionner le monde et l’industrie du cinéma. Réalisé par Georges Lucas, Star Wars ou la Guerre des Étoiles est le premier film d’une grandiose trilogie qui va marquer par ses codes, ses personnages et son histoire toute une génération.
Le mélange des genres (western, héroïc fantasy, science fiction…) pour offrir un space opéra magique fonctionne à merveille et Star Wars va s’imposer comme une réussite artistique mais surtout commerciale.



Six mois plus tard, la Töei voulant devancer la sortie de ce long métrage américain, la firme japonaise propose sa copie dans leurs salles obscures.
« Uchû Kara no Messeji » Le message venu de l’espace demeure ainsi un film réalisé sur le modèle de la Guerre des Étoiles, avec une histoire sensiblement identique. UKNM nous conte un scénario basé sur l’hégémonie d’un empire dominant l’univers et dont les plans vont être contrariés finalement par une bande de courageux rebelles.
Dans ce film, on retrouve l’immense acteur Sonny Chiba et un jeune débutant membre de la JAC (Japan Action Club, la fameuse société de cascadeurs japonaise) âgé seulement de 17 ans Hiroyuki Sanada.
Le long métrage rencontre son petit succès sur l’archipel et permet donc d’envisager une suite immédiate, sous la forme d’une série télévisée. Toutefois, le budget ne permet pas de garder la même équipe et le scénario de la série part sur de nouvelles bases, ne gardant de ce fait avec le film qu’un lien lointain et de principe. Sanada reste l’unique rescapé de l’œuvre d’origine. Il sera désormais le héros de la série, un certain Ayato.
Basé sur l’œuvre de Shötarö Ishinomori à qui on doit des chefs-d’œuvre comme Cyborg 009 et qui n’est autre que le créateur de Kamen Rider et des premières séries sentaï japonaises, « Uchû Kara no Messeji » Le message venu de l’espace arrive sur les écrans nippons fin 1978.



Si le succès est d’estime, on n'en observe pas moins une inspiration encore plus flagrante vis-à-vis de Star Wars, dont les codes et personnages sont ici largement copiés. Ce sera pourtant véritablement en France que la série connaîtra ses plus belles heures, arrivée dans un contexte plus que favorable.



Le Prince de l’Espace

En 1978, « Ufo Robo Grendizer » rebaptisé Goldorak arrive sur les écrans français. Cette série est plus ou moins une copie de Mazinger très connu au Japon, ce dessin animé se manifeste à une révolution en partie à sa narration et à des personnages auxquels toute une génération d’enfants s’identifie.
Un succès phénoménal appuyé par une pléthore de produits dérivés qui dépasse l’entendement et surprend les médias qui s’emparent du mythe. Jusqu’alors habitués à des petits cartoons amusants de Hanna Barbera, des studios Fleïsher ou aux fameux toons de la Warner, les petits français découvraient ainsi un tout nouveau type de divertissement, à la morale exacerbée, parfois violent (replacé dans le contexte d’époque) et emprunt d’un graphisme inédit faisant la part belle au rêve. Un nouveau type de série venait de séduire et ouvrait ainsi la voie à d’autres œuvres nippones aux valeurs et qualités similaires.

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C’est pour faire suite au triomphe de Goldorak que IDDH la société de Bruno-René Huchez va alors régulièrement importer du Japon des programmes similaires pour le plus grand plaisir des enfants. Il faut dire que les œuvres japonaises sont un grand succès et surtout ne coûtent presque rien. Parmi ces nombreuses séries, ce qui allait donc devenir San Ku Kaï faisait partie du lot.
En 1979, les actualités françaises annoncent l’arrivée d’un nouveau super héros japonais Spectroman. C’est dire l’ampleur du phénomène Goldorak. Pourtant, cette série «effrayante» sera vite déprogrammée au dernier moment (elle sera mise sur nos écrans en 1982) ; au profit manifestement de San Ku Kaï. Difficile de savoir pour quelles raisons, mais sans doute le lien évident avec Star Wars qui venait désormais d’exploser partout dans le monde, a-t-il joué en la faveur de cette programmation.



Utilisez la Force

Le 15 septembre 1979, San Ku Kaï fait ainsi ses débuts sur Antenne 2. Nous découvrions alors pour la première fois une épopée fascinante, une histoire pour la jeunesse avec des héros masqués, des monstres abominables, des vaisseaux spatiaux, dans un feuilleton à suivre qui surfait sur le succès de Star Wars.

Il faut dire que tout a été soigneusement fait pour que la sauce prenne. Le jeune public conquis et émerveillé par le film de Lucas, retrouvait avec San Ku Kaï les codes essentiels qui ont assuré le succès de la trilogie :
- Le jeune héros fougueux qui a perdu sa famille, Luke Skywalker, trouve ici son homologue japonais au travers d’Ayato.
- Le baroudeur de l’espace, plus expérimenté et quelque peu casse-cou, Han Solo, sera ici Ryu.
- L’homme singe Chewbacca, son copilote sera également présent : Siman.
- Enfin, il fallait une princesse Leïa : ce sera la belle et mystérieuse Eolia.
- Et un robot rigolo R2D2 en la personne de Sidéro.

Le fabuleux vaisseau, le Faucon Millenium qui défie les croiseurs de l’Empire a son équivalent. Il donne même son nom à la série en France, le merveilleux San Ku Kaï.
A ce propos, les articles d’époque annonçaient fièrement que ce terme signifiait « Terre Lune Soleil ». Il n’en est rien et désigne en réalité une forme martiale proche du Karaté, pourvue de mouvements acrobatiques.
Enfin, le scénario est calqué sur celui de Star Wars : l’empereur Golem XIII contrôle l’univers et utilise ses fidèles séiedes, Koménor et Volcor (vêtus de casques et d’amples capes que ne renierait pas Dark Vador) pour asseoir sa tyrannie.
La scène de l’arrivée du Cosmosaure en direction d’une des planètes du 15e système solaire est même carrément reproduite sur le premier plan de la Guerre des Étoiles.



Toutefois, San Ku Kaï dispose de ses propres spécificités. L’histoire montre des liens mystérieux mais évidents entre plusieurs personnages (amusant d’autant qu’à l’époque personne ne pouvait soupçonner que dans Star Wars, il y aurait également d’autres liens familiaux notamment entre certains personnages). Et évidemment, les scènes d’action et autres cascades typiques des programmes live japonais de la Töei font le charme visuel du feuilleton.
Les combats de Staros et du Fantôme contre l’abominable monstre du jour et une multitude de soldats où se mêlent coups de pieds sautés, sauts périlleux et luttes au sabre qui rappellent les grands heures des films de cape et d’épée ont clairement donné à la série sa marque de fabrique. Le mystère enfin autour de l’identité de Golem XIII roi des Stressos, jusqu’à sa révélation finale dans l’avant-dernier épisode, entretient une part de suspense intéressante.

Enfin un mot sur le doublage français, fascinant qui donne à la série un cachet très particulier et sérieux même sur des moments plus légers.
Toute cette mise en scène contribue à faire de San Ku Kaï un vrai spectacle dont on oublie finalement le manque de moyens. La musique quant à elle tout comme le générique a été entièrement recomposée par Eric Charden et Didier Barbelivien. Très différente de son homologue japonais, la partition française diffère de celle du grand compositeur Shunsuke Kikuchi (Albator 84, Goldorak). Si le procédé en lui-même reste discutable et peu respectueux, force est de reconnaître que nos mélodies et le générique aujourd’hui sont devenus inoubliables.



Dessinez-moi un San ku Kaï

Le terrible empereur Golem XIII (Rockseia) ambitionne de gouverner le 15° système solaire composé de trois planètes aux formidables ressources : Bleda, Sheita et Analis. Pour cela, il envoie ses Stressos (Gavanas) et ses troupes d’élite constituées de monstrueux ninjas pour asseoir son règne et dominer les peuples afin qu’ils s’agenouillent vite devant leur manque d’expérience de la guerre.
Ceux qui ne veulent pas servir le tyran sont enfermés ou tués. Dans ce monde occupé, apparaissent nos héros, le jeune Ayato héritier du vieux Gen Shi, un combattant émérite, qui venant d’obtenir son brevet de pilote, va se lier d’amitié avec Ryu, un fier baroudeur de l’espace qui va rapidement le fasciner.
Sous ses airs de simple opposant au régime Stressos, Ryu cache en fait plus de ressources qu’on ne croit. Ayant manifestement eu un lien fort avec le père d’Ayato, il entreprend de former au combat ce dernier qui a juré de venger sa famille, massacrée par Volcor, l’âme damnée de Koménor le chef de guerre de l’empire.

C’est désormais sous des identités masquées et incarnant des personnages mythiques symbolisant l’espoir, Staros et le Fantôme que nos deux héros vont galvaniser peu à peu les peuples opprimés, montrant que la lutte est possible. Ils ne sont pas seuls dans leur croisade puisque la résistance s’organise doucement un peu partout, sous l’aide du courageux Kamiji, mais surtout ils reçoivent l’aide bienveillante et quasi mystique de la belle Eolia, une jeune femme qui parcourt l’espace à bord de l’Azuris et apparaît un peu comme une fée protectrice pour Ayato.
Eolia incarne la bonté et la sagesse, toutefois elle semble dissimuler des informations sur l’Empereur Golem XIII.
Ayato et Ryu peuvent aussi compter sur leur ami Siman, l’homme singe qui voyage avec eux, pilote émérite lui aussi et le petit robot plein de ressources, Sidéro qui amène un peu de décontraction au sein du groupe.



Cela vient du Japon, c’est mauvais pour nos enfants !

L’aura de San Ku Kaï brille en fait aussi par la qualité de son doublage français. Certes, il y a des incohérences, mais la version originale elle-même n’est pas vraiment exemplaire et quelques voix des monstres sont limites à la caricature. Pourtant les dialogues sont efficaces et souvent très adultes. Il faut replacer la série dans son contexte et rappeler qu’elle se destine à un jeune public. Dès lors, en pleine fin des années 70, on se surprend encore à voir que des morts sont pleinement montrés et jamais cachés au public (là où bien des productions modernes à l’heure où les frontières tombent avec Internet, sont encore aseptisées par la censure ou une bonne morale hypocrite).

Les exécutions sont nombreuses, les Stressos exterminant des milliers d’innocents sur la place publique, tel un spectacle macabre.
Le doublage ne nous épargne pas de tristes métaphores qui ont un écho adulte et stupéfiant pour une telle série : on nous évoque en effet d’épuration ethnique, de déportation, de race inférieure lorsque les soldats de Golem XIII entreprennent de détruire le peuple de Siman. La domination abominable et l’idéologie véhiculée par le tyran sont ainsi toutes proches par l’image mais aussi par le texte des évènements de la Seconde Guerre Mondiale.
De même à l’image, rien ne nous est vraiment caché non plus, Siman fume régulièrement. Là encore aujourd’hui, de telles images paraissent impensables dans une production pour la jeunesse.



Mais je connais ces personnes ?!

La qualité des textes est mise en valeur par toute une équipe de comédiens talentueux, auxquels il est de bon ton de rendre hommage aujourd’hui tant ils subliment la série par leur implication et leur sérieux.

En tête, Francois Leccia et Yves-Marie Maurin respectivement, voix d’Ayato et de Ryu, ces deux comédiens contribuent à offrir un charisme certain au duo intrépide. Leccia est connu entre autres pour avoir prêté sa voix à nombre d’autres héros de séries bien connues. Il fut Albator 84, Judo Boy, ou encore Johan ; bref un comédien exceptionnel, pour un héros plein de fougue ! Maurin lui aussi est un habitué des séries, on se souvient de Spartakus des Mondes engloutis pour l’un de ses rôles les plus marquants.
Enfin, deux autres ténors du doublage rejoignent les rangs avec Francis Lax et Gérard Hernandez. Le premier s’illustre de manière amusante et touchante dans le rôle de Siman.
On ne fera pas l’affront de restituer le parcours de Francis Lax, un monstre sacré du doublage, il a presque tout fait : Starsky et Hutch, la Guerre des Etoiles, Magnum, … et nombre de dessins animés. Sa voix est immédiatement reconnaissable et marque de son empreinte : Rox et Rouky, Scoubidou…
Gérard Hernandez lui double avec bonheur le robot Sidéro, mais aussi Kamiji et quelques rôles tiers. Ce comédien prolifique, très souvent vu à la télé dans de très nombreux films ou au théâtre a doublé des rôles de méchants comme Moriarty pour Sherlock Holmes, ou Skeletor dans les Maîtres de l’Univers, …
La belle Eolia est doublée par Béatrice Delfe. Cette comédienne s’est illustrée un peu dans les longs métrages de Disney comme les aventures de Bernard et Bianca.



Citons également Michel Gudin qui donne la parole à Golem XIII, ce dernier était la voix du narrateur pour Silas (peu connu en France). D’autres personnes ont marqué la série comme le comédien Pierre Arditi, Sylvie Feit,…
Bref, nous avons là vraiment de belles pointures.

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Parodie, à ne pas prendre au sérieux

C’est la bataille dans les étoiles

San Ku Kaï est une série un peu à part dans le monde du Tokusatsu, ces séries de Science Fiction bien qu’elle en garde les codes et éléments récurrents. L’intrigue évolue dans cette histoire aux nombreux rebondissements (la fin réserve son lot de surprises) et finalement la pauvreté de la réalisation n’a que peu d’incidence sur le plaisir du visionnage.
Bien sûr, la série reste très ancrée dans son époque, avec des décors vides et une réalisation bancale. Certaines scènes, ainsi étaient tournées dans l’urgence la plus totale, le budget ne permettant pas de nombreuses prises. C’est ainsi qu’on peut s’amuser parfois à voir des rochers rebondir au loin, des figurants pas toujours en place, un cadreur dépassant dans le champ de la caméra… L’un des moments forts étant l’ample mouvement de la cape de Koménor, celle-ci retombant sur la tête de Volcor qui tente discrètement de la dépêtrer de son casque ! Des raccords pas toujours nets, des effets datés, San Ku Kaï fait sourire ses détracteurs qui s’en moquent comme d’une production ultra-kitsch et dépassée. C’est sans doute vrai, la série souffrant d’un manque de moyens.



Mais au final, elle aura réussi l’entreprise de faire rêver des milliers d’enfants et fasciné toute une génération bercée par des combats spatiaux, des acrobaties spectaculaires et des monstres toujours plus cruels et improbables.
San Ku Kaï, pionnier du Toku en France a un parfum nostalgique, désormais indélébile, une œuvre culte qui a profondément marqué la culture SF sur notre territoire sans doute plus qu’elle ne l’a fait dans son propre pays. Ce ne sont pas les produits dérivés qui diront le contraire, témoins d’une époque bénie, à l’instar de fabuleux jouets en métal, de bandes dessinées spécialement conçues ou de l’inévitable album Panini et ses images à collectionner.

Enfin, si la plupart des acteurs de cette épopée n’ont guère fait de carrière éloquente par la suite, elle restera surtout la première œuvre de jeunesse décomplexée à laquelle a participé Hyroyuki Sanada, devenu une superstar au Japon. Il aura en effet joué dans Ring ou aux côtés de Tom dans le Dernier Samouraï.


[San Ku Kaï San Ku Kaï]
[C'est un message, c'est un message]
[San Ku Kaï San Ku Kaï]
[C'est un voyage, c'est un voyage]
[San Ku Kaï San Ku Kaï]
[C'est la bataille, c'est la bataille]
[San Ku Kaï San Ku Kaï]
[Dans les étoiles, dans les étoiles]



P.S. : Descriptif des épisodes dans le petit livret dans le dernier collector (on trouve quelques informations, avec quelques photos.



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