Gilles de Rais

Gilles de Rais
par ana









  
 
 







 
 

Puisque nous avons fait une glorieuse incursion en territoire d’Histoire de France avec Jeanne d’Arc et son tragique mais fantastique destin, poursuivons avec un autre personnage connu de la Guerre de Cent Ans mais sous un tout autre visage que la divine providence de la jeune femme qu’il choisit de suivre jusque sous les murs de Paris.



Gilles de Rais est un homme de mystères et tout ce qui l’entoure est encore de nos jours sujet d’études et de polémiques entre historiens. Voyons pourquoi….






Gilles de Rais, de son titre complet Gilles de Montmorency-Laval, est né en octobre de l’année 1404 au château familial de Machecoul, capitale du Pays de Retz (nom gardé de nos jours mais à l’époque on préférait l’ascendance galloise dite de Rais), baronnie de Bretagne qui est aujourd’hui en Pays de Loire.





Gilles de Rais hérita de son père une vaste fortune monétaire et territoriale fruit d’unions habiles et de pactes familiaux. Cette fortune considérable, à tel point qu’elle dépassait de loin celle d’autres nobles et même du roi de France, s’était faite comme suit. En 1400, Jeanne Chabot dite Jeanne de Rais est la dernière héritière directe de la famille de Rais et n’a pas d’héritier. Elle accepte de désigner son arrière petit cousin Guy II de Montmorency-Laval comme son successeur à la seule condition qu’il abandonne les armes des Laval pour celles des Rais. A la clé ? Les seigneuries de Machecoul, Saint Etienne de Mer Morte, Pornic, Princé, Vue, Bouin, bref tout ce qui fait la baronnie de Rais et donc le Pays de Retz actuel. L’héritage est conclu et en 1404, Guy II épouse Marie de Craon et devient officiellement Baron de Retz, doyen des barons de Bretagne.



Gilles naît dans la foulée mais devient orphelin de père et de mère en 1415. Il ne lui reste qu’un frère ; René. Ils sont recueillis et élevés par le grand-père Craon, homme à la réputation sulfureuse et coquine, ce qui n’était pas du tout le souhait de Guy II. L’influence de ce grand-père sera déterminante sur la personnalité à facettes de Gilles. En 1420, il a 17 ans et, après avoir évité deux mariages suite aux décès prématurés de ses fiancées…, il épouse finalement Catherine de Thouars. Cette union est une surprise puisqu’on raconte qu’il enleva la jeune femme pour l’épouser ! Il n’aura qu’un enfant, Marie.




Blason de Gilles de Rais



Gilles de Rais n’est pas seulement un héritier, il est aussi le descendant de grands héros de guerre tels que Bertrand Du Guesclin. Il embrasse donc presque naturellement une carrière militaire, d’autant que les troubles de son époque s’y prêtent.





La Guerre de Cent Ans perdure et l’entraîne dans son sillage. Gilles de Rais prend donc un rôle important dans la guerre de Succession de Bretagne qui n’est autre qu’une des nombreuses conséquences tragiques de la guerre opposant rois anglais et français. Les Anglais remportent cette manche mais Gilles de Rais se met au service du roi de France et rencontre Jeanne d’Arc à Chinon. Il l’accompagnera ensuite tout au long de son périple, depuis Chinon jusqu’à Paris, en s’illustrant lors de la levée du siège d’Orléans. L’échec de Paris et la décision royale française de favoriser une issue diplomatique, le renvoient sur ses terres. Comme Jeanne il est discrédité par les choix royaux et abandonne cette cause. Il s’installe durablement dans son château de Tiffauges en Vendée et entame une descente aux Enfers.



Tiffauges reconstitution.


L’héritage de son père associé à la dote de son mariage avaient fait de Gilles de Rais un homme puissant et riche. On évaluait sa fortune à 330 000 livres de rente annuelle sans compter ses profits en nature et un mobilier d’une valeur de 100 000 écus d’or… De quoi se faire tourner la tête et attiser jalousie et convoitise. Il vivait avec faste, dépensait sans compter : une garde de 200 cavaliers (à entretenir des pieds à la tête), une domesticité de 50 personnes (avec musiciens, chapelins, pages etc…), une chapelle seigneuriale couverte de soie précieuse et de mobilier coûteux, agrémentée d’un orgue ! Toute occasion était bienvenue pour célébrer ses hauts faits passés : il payait d’entière constitution de spectacles destinés à valoriser ses victoires (sur sa baronnie) et celles de Jeanne ( à Orléans) qu’il appelait « Mystères ».

Les dépenses augmentèrent et Gilles de Rais commença par vendre des terres et des places fortes à Jean V le Sage, duc de Bretagne. Les affaires entre les deux hommes se déroulant sainement, Gilles de Rais ne baissa pas son train de vie, ce qui alarma sa famille. Habilement incitée, la dite famille lui intenta un procès afin qu’il ne puisse plus vendre de terres appartenant à l’héritage. Elle obtint gain de cause, ce qui déplut à Gilles de Rais mais aussi à Jean V puisque la décision de justice annulait des précédentes ventes ! Leur opposition commune à l’issue du procès ne fit qu’irriter plus encore la famille menée par René, le cadet de Gilles, et ses cousins André de Lohéac et Guy XIV de Laval. C’est de là que découlèrent des accusations plus abominables les unes que les autres qui allaient condamner Gilles de Rais pour sorcellerie.



On peut se douter, au vu de l’époque, qu’un homme aux abois financièrement et ayant assez de moyens humains et intellectuels pour dénicher les bonnes personnes, que l’alchimie, promesse de fortunes, séduisit Gilles de Rais. Mais les essais ne furent jamais des succès, Gilles de Rais se tourna donc vers la magie. Les rumeurs parcoururent le pays de Vendée et on raconta qu’il promettait et offrait tout au Diable pour obtenir la réalisation de ses souhaits.





Dans le même temps, il se montrait toujours pieux et respectueux des exercices pieux. Ce mélange aurait conduit l’esprit de Gilles de Rais vers la superstition et une dépravation criminelle. Criminelle ? Oui. Parce que des disparitions se multiplièrent dans la région de son château, des jeunes filles, des enfants et la rumeur grandit : viols, immolations au démon, usage de sang ou des cœurs pour certains sorts… Les paysans sont peu écoutés à cette époque et on aurait pu leur opposer que les troubles aidant, leurs progéniture avait pu être victimes des Anglais, mais tout ceci parvint aux oreilles des envieux, des parents qui s’en saisirent aussitôt.


Un des châteaux de Gilles de Rais de nos jours


La Pentecôte 1440 voit la naissance d’un conflit ouvert entre Gilles de Rais et l’Eglise : non seulement il est soupçonné de faits hérétiques et de crimes mais il a repris de terres appartenant à cette dernière par la force des armes. Une procédure est lancée et en septembre Gilles de Rais est cité à comparaître devant l’évêque de Nantes. On l’arrête dans son château de Machecoul mais on ne lui dit encore rien des accusations de crimes ou de satanisme. Il pense que l’Eglise lui en veut d’avoir repris son bien sans ménagement aucun. Mais le 8 octobre, les arguments pleuvent : sodomie, viols, sorcellerie, assassinat, tortures… sur des enfants ! On comprend que cet homme, militaire aux grands succès se soit laissé arrêté sans protester dans un premier temps…



Château de Nantes


Il est emprisonné au Château de Nantes. La stratégie en est élaborée avec une minutie presque démoniaque : Gilles de Rais peut récuser ses juges pour partialité (puisque l’Eglise lui en veut déjà au départ) mais l’acte d’accusation ne rien que cette terre reprise par les armes. L’accusé pense donc qu’ils sont dans leur droit et laisse passer sa chance car quand on lui signifie toutes les charges, il est trop tard. Le dossier d’accusation est très complet, bien des témoignages sont présents et ne peuvent être tous contredis ou réfutés. Il a réellement hébergé, payé et reçu conseils de voyants, de magiciens… Gilles de Rais ne peut résister longtemps à ces accusations mais se révolte aux mentions criminelles et pédophiles. On l’excommunie, ce qui l’effraie et lui arrache des aveux sous la promesse que l’excommunication sera levée. Son récit horrifie l’assistance mais la cruauté décrite, le déni de la valeur de la vie, rien ne prouve que Gilles de Rais n’a pas inventé le pire pour retrouver le cœur de l’Eglise. Il doit répéter une seconde fois ses horreurs et le 25 octobre, la tribunal présidé par le Sénéchal de Bretagne tombe : Gilles de Rais et deux de ses serviteurs sont reconnus coupables et condamnés à être pendus puis brûlés. Gilles de Rais demande trisi faveurs qu’il obtient : le jour de l’exécution les familles de ses victimes pourront organiser une procession, il sera tué en premier et ce qu’il restera de son corps pourra être enterré. Dès le lendemain, il est exécuté à Nantes, sur l’actuel site de l’Hôtel Dieu. Son corps est retiré du bûcher avant d’être totalement détruit et inhumé selon son vœu dans l’église du Monastère des Carmes de Nantes. Tout sera détruit au cours de la Révolution Française.



Alors victime d’un complot de gros sous ou vrai monstre ?


Crypte du château où furent retrouvés des restes humains...


Gilles de Rais est le premier Baron à subir un procès de cette envergure avec une telle condamnation. Son amitié reconnue pour Jeanne d’Arc, son écoeurement face à sa fin aurait pu expliquer la folie qui s’est emparée de lui par la suite. Dans les souterrains du château de La Suze-sur-Sarthe, 49 crânes humains auraient été trouvés mais on ignore le nombre exact de ses victimes et rien ne prouve qu’il n’était pas seulement nécrophile…. L’accusation a mentionné 140 meurtres. Il aurait eu des hommes de main des rabatteurs pour lui fournir des enfants, cherchant d’abord des orphelins errants puis prenant des petits paysans locaux. On ne demande pas souvent des nouvelles d’enfants sans parents ou fugueurs… Mais le doute demeura longuement, et perdure aujourd’hui.




Gilles de Rais, « barbe bleue », pédophile et plus grand tueur en série de l’Histoire de France ou victime de l’avidité de ses parents qui préféraient le voir mort et hériter rapidement plutôt que d’attendre qu’il dilapide tout et meure de sa belle mort ? Il y a eu révision de son procès au XVeme siècle et une grande quantité de recherches sur le sujet.



Ex : Georges Bataille en 1965 « Le procès de Gilles de Rais », Jean-Pierre Bayard « Plaidoyer pour Gilles de Rais », deux ouvrages qui le défendent.

Sans compter que les relations entre ce « monstre » et la douce Jeanne d’Arc ont fait couler beaucoup d’encre. On sait juste par les ouvrages révisant le statut, l’histoire et le procès de Jeanne qu’il lui vouait une grande amitié.






 
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